mars 18, 2008

PRINCE CLEMENT DE METTERNICH-WINNEBURG (1773-1859)

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Clemens-Lothar Wenzel, chancelier prince Metternich (1773-1859), homme politique autrichien

Metternich est tout près d’être un homme d’Etat : il ment très bien.

(Napoléon Bonaparte)

METTERNICH-WINNEBURG ( Clément-Wenceslas-Népomucène-Lothaire, comte, puis prince DE), duc DE PORTELLA, célèbre diplomate et homme d’Etat autrichien, né à Coblentz le 15 mai 1773, mort à Vienne le 5 juin 1859. A l’âge de quinze ans, le jeune Metternich alla étudier à l’université de Strasbourg, où il eut pour condisciple Benjamin Constant, avec qui il se lia étroitement. Il acheva sa philosophie en 1790, quitta alors Strasbourg pour aller assister au
couronnement de l’empereur Léopold, puis alla terminer sou instruction à Mayence. Après a voir visité l’Angleterre et la Hollande, il vint habiter Vienne, où il épousa, à l’âge de vingt et un ans, la fille du prince dellaunitz-Rietberg (1795). M. de Metternich, qui venait d’entrer dans la diplomatie, suivit son père comme simple secrétaire au congrès de Rastadt, puis il accompagna le comte de Stadion dans ses missions en Prusse et à Saint-Pétersbourg, fut nommé ministre à la cour de Dresde (1801), à celle de Berlin (1803), où il prépara une nouvelle coalition contre la France, et enfin ambassadeur à Paris en 1806. Le système politique que le comte de Metternich venait représenter auprès de Napoléon était compliqué. La maison d’Autriche avait subi bien des revers depuis la première coalition contre la France ; Bonaparte, général et consul, lui avait arraché deux fois le Milanais ; Moreau l’avait refoulée sur le Danube, Rentrée en lice par son alliance avec la Russie, elle avait vu cette nouvelle coalition écrasée à Austerlitz. Le cabinet autrichien avait dû signer le traité de Presbourg, stipulation imposée par la nécessité, qui brisait le vieil empire d’Allemagne et en finissait en quelque sorte avec la maison d’Autriche. Dans cet état de choses, M. de Metternich devait avant tout chercher à plaire au vainqueur ; il y réussit complètement : on était alors chez nous en plein retour vers les choses d’autrefois. Napoléon faisait fouiller les archives pour y déterrer de vieux formulaires d’étiquette. Joignant aux avantages de la naissance la figure la plus séduisante, les manières les plus distinguées, un esprit fin, une parole facile, le jeune ambassadeur eut un succès prodigieux. Il avait mission de plaire ; il s’en acquitta avec autant d’habileté que de zèle. Bien accueilli par Napoléon, à qui il fit croire qu’il était dévoué à sa politique, M. de Metternich fut à même d’étudier le despote qui faisait mouvoir le monde à son gré et de deviner parfois les ressorts mystérieux qui le faisaient agir. Le jeune ambassadeur insistait alors fortement pour fonder entre la France et l’Autriche un système solide d’assurance mutuelle contre la Russie. L’entreprise d’Erfurt déjoua ses projets des promesses furent échangées entre Napoléon et Alexandre. Il fut un instant question de partager l’Europe en deux. L’Autriche se vit en péril et fit en secret des préparatifs de guerre. M. de Metternich reçut l’ordre de plaire plus que jamais et de continuer à Paris sa comédie pacifique. Napoléon, alors occupé à poursuivre l’armée anglaise dans la Péninsule, fut tout à coup prévenu que l’armée autrichienne avait passé l’Inn et envahissait la Bavière, notre alliée. Furieux, il ordonna aussitôt à Fouché de renvoyer M. de Metternich à la frontière, entre deux gendarmes ; mais Fouché se contenta de faire escorter le carrosse de l’ambassadeur. Deux mois s’étaient à peine écoulés que l’Autriche, écrasée à Wagram, implorait la paix et signait le traité de Vienne (14 octobre 1809). Sur ces entrefaites, M. de Metternich fut nommé chancelier et ministre des affaires étrangères par l’empereur d’Autriche (8 octobre 1809), et, réconcilié avec Napoléon, fut envoyé auprès de ce dernier avec le comte de Bubna pour traiter de la paix. Une occasion se présenta bientôt pour l’Autriche de rentrer en grâce auprès du terrible vainqueur. Il venait de divorcer avec Joséphine et était sur le point d’épouser une sœur de l’empereur de Russie, M. de Schwartzenberg, alors ambassadeur à Paris, fut chargé de s’expliquer à ce sujet ; un mariage fut proposé et accepté le même jour (février 1810) et M. de Metternich vint lui-même conduire la fille des césars dans la couche du soldat triomphant. Le cabinet de Saint-Pétersbourg ayant vu ce mariage avec déplaisir, Napoléon, qui visait à la dictature universelle, brisa son alliance avec la Russie et la guerre fut déclarée. L’Autriche prit naturellement parti pour Napoléon, et, par les soins de Metternich, un traité d’amitié, d’union et d’alliance à perpétuité fut signé à Paris le 14 mars 1812, entre Napoléon et l’empereur François II ; la Prusse se jeta aussi dans cette alliance et, peu de jours après, soldats alliés traversaient le Niémen ; mais, six mois plus tard, les choses avaient singulièrement changé de face. Après la désastreuse retraite de Russie, la défection du général prussien d’York venait de livrer notre aile gauche ; celle du général Schwartzenberg, notre aile droite ; Alexandre avait passé la Vistule, le roi de Prusse s’était jeté dans ses bras, et les vaincus d’Iéna couraient aux armes. Quant à l’Autriche, elle mit plus d’habileté dans sa trahison. M. de Metternich se contenta d’établir une trêve tacite entre les armées autrichienne et russe et proposa la médiation de l’Autriche à l’empereur des Français. Les négociations durèrent tout l’hiver de 1812 à 1813. Pendant ce temps, des levées considérables se faisaient sur tout le territoire autrichien, l’armée devait être portée à 300.000 hommes, et M. de Metternich justifiait ces armements par la position naturelle dans laquelle se trouvait l’Autriche : quand les belligérants étaient si rapprochés du territoire d’un neutre, il paraissait tout naturel que ce neutre prit des précautions pour se préserver lui-même. D’un autre côté, le cabinet anglais envoyait lord Walpole à M. de Metternich, pour lui offrir d’énormes avantages si l’Autriche voulait entrer dans la coalition. Immédiatement, le diplomate autrichien envoya le baron de Weissemberg en mission secrète à Londres, sous le prétexte d’amener une pacification générale, mais en réalité pour s’arranger avec le cabinet anglais (mars 1813). Deux mois plus tard, Napoléon, contre lequel un nouvel ennemi, la Suède, venait de se coaliser, enleva par les victoires de Lutzen et de Bautzen la Saxe aux coalisés. L’Autriche se présenta alors comme médiatrice armée, et envoya le comte de Bubna à Napoléon et le comte de Stadion aux alliés. Un armistice fut conclu à Plesswitz, et ou accepta de part et d’autre l’ouverture, à Prague, d’un congrès que présida Metternich. C’est quelques jours avant, à Dresde, où était sou quartier général, que Napoléon eut avec Metternich cette fameuse conversation rapportée par Metternich lui-même et par le baron Fain, qui en fut le seul témoin. Metternich, de l’aveu même de M. Thiers, apportait la paix ; mais l’empereur en trouva les conditions exagérées, et traita fort durement Metternich, qui sortit l’âme ulcérée et persuadé que désormais la paix était impossible avec la France, tant que Napoléon y régnerait. Enfin, le ministre, désirant faire cesser des négociations qui, traînant en longueur, permettaient à l’empereur de gagner du temps, déclara que, si, le 10 août suivant, les propositions de l’Autriche n’étaient pas acceptées, cette puissance entrerait dans la coalition formée contre la France. Napoléon dédaigna même de répondre, le congrès de Prague fut dissous et Metternich se rendit à Tœplitz, où il fit entrer l’Autriche dans la coalition en signant un traité d’alliance avec l’Angleterre, la Prusse et la Russie. Une note du cabinet de Vienne annonça au comte de Nesselrode et à M. de Hardenberg que désormais l’Autriche, membre de la coalition, mettait en ligne 200.000 hommes, massés derrière les montagnes de la Bohême. La joie des alliés fut indicible. Dix jours après parut le manifeste de l’Autriche ; ce fut alors que Napoléon se ravisa et fit porter à Prague son acceptation, mais il était trop tard : M. de Metternich déclara l’impossibilité de traiter séparément, et répondit qu’il fallait en référer simultanément aux trois cours, désormais inséparables dans leur politique. Napoléon, qui ne perdait pas tout espoir d’entraîner l’Autriche dans ses intérêts et qui comptait encore sur la victoire, proposa de négocier pendant la guerre, alors que les armées autrichiennes s’ébranlaient pour tourner la ligne de l’armée française ; mais, malgré tous ses efforts, il se vit écrasé par le nombre. Après la désastreuse bataille de Leipzig (octobre 1813), la déclaration de Francfort et l’invasion de notre territoire, un congrès s’ouvrit à Chatillon (février-mars 1814). Metternich, qui désirait la paix et qui avait une grande influence sur les décisions des coalisés, fit offrir à Bonaparte des conditions relativement avantageuses, car la France conservait ses frontières de 1792. Napoléon accepta les bases proposées, mais il chicana sur les détails. Un moment, le duc de Vicence reçut carte blanche pour traiter à tout prix et éviter une bataille suprême. Cette bataille eut lieu. Les succès remportés à Brienne, à Champaubert, à Montmirail changèrent les dispositions de Napoléon. Il écrivit à l’instant au duc de Vicence pour lui recommander de ne rien signer, sans son ordre. « Il faut faire des sacrifices, lui répond en toute hâte le duc de Viceuce, il faut les faire à temps ; comme à Prague, si nous n’y prenons garde, l’occasion va nous échapper. » Ces paroles de Caulaincourt n’étaient que la reproduction exacte des lettres confidentielles que lui adressait M. de Metternich. Le chancelier autrichien était alors partisan sincère du maintien de Napoléon sur le trône ; ses défiances naissantes contre la Russie et les liens de famille qui unissaient Bonaparte à son souverain rendaient ce sentiment tout naturel ; il voyait grossir l’orage ; la prépondérance qu’il avait exercée de l’autre côté du Rhin commençait à lui échapper. L’Angleterre se prononçait pour les Bourbons, la Russie penchait de ce côté, et Napoléon luttait encore, exigeant, avant tout traité, l’évacuation du territoire. L’heure de sa chute avait enfin sonné. Bientôt Paris ouvrit ses portes au prince de Schwartzenberg, et tandis que l’empereur d’Autriche et Metternich s’étaient arrêtés à Dijon pour ne pas assister à la prise de la capitale où régnait Marie-Louise, l’empereur Alexandre, circonvenu par une intrigue de salon, en présence d’une, nation épuisée par la guerre, démoralisée par le despotisme, devenue incapable de se prononcer virilement pour la liberté, trancha la question de dynastie en faveur des Bourbons. M. de Metternich resta étranger aux intrigues qui substituèrent Louis XVIII au gendre de François Ier d’Autriche, mais il signala convention de Fontainebleau puis la paix du 30 mai 1814, et ce fut lui qui présida le congrès de Vienne, où fut remaniée la carte de l’Europe, et où il obtint pour l’Autriche la part du lion. Ce grand remaniement de l’Europe, interrompu un instant par les Cent-Jours, fut continué après Waterloo ; la France fut mutilée, la Saxe spoliée, la Prusse bizarrement constituée, l’Italie livrée pieds et poings liés à l’Autriche, la malheureuse Pologne dépecée, la Belgique accouplée de force à la Hollande. L’acte fédératif du 8 juin, réduisant à néant les promesses libérales des proclamations de 1813, reconstruisit pour l’Allemagne le vieil équilibre féodal, et la Russie, s’étendant à travers la Pologne, atteignit les frontières de la Prusse. Ce n’est pas sans raison que l’abbé de Pradt a pu dire : « La guerre de l’indépendance de l’Europe contre la France a fini par l’assujettissement de l’Europe à la Russie, ce n’était pas la peine de tant se fatiguer. » (Congrès de Vérone, tome 1er.) Metternich négocia encore la seconde paix de Paris (2 novembre 1815) et, à partir de cette époque, il fut constamment occupé de maintenir l’œuvre de despotisme constituée par les alliés et ébranlée par de fréquentes secousses. L’Allemagne réclamait l’accomplissement des réformes libérales promises au moment du danger. Les associations universitaires ne s’étaient pas dissoutes après la victoire ; la Burschenschaft s’était étendue comme un réseau sur toute l’Allemagne ; l’Italie s’agitait, une tribune s’élevait à Naples ; le Piémont renversait sou roi, l’Espagne emprisonnait le sien, la Pologne frémissait sous son triple joug. Pour aviser aux moyens d’écraser l’esprit libéral en Europe, des congrès eurent lieu à Aix-la-Chapelle (1818), à Carlsbad (1819), à Troppau (1820), à Laybach (1820). M. de Metternich, qui avait traité avec le saint-siège en 1818 et dirigé les conférences où avaient été rédigés l’acte final de Vienne et celui de la confédération germanique, présida la plupart de ces congrès et y exerça une influence prépondérante. Adversaire acharné de la liberté et des droits des peuples, il formula sa politique odieuse dans la déclaration suivante, faite au congrès de Laybach : «II appartient aux souverains seuls d’accorder et de modifier les institutions en ne restant responsables de leurs actes qu’envers Dieu. » L’effervescence universitaire de l’Allemagne fut momentanément réprimée, la tribune de Naples fut fermée et le Piémont envahi par l’Autriche. La double répression, base du système de M. de Metternich en Allemagne et en Italie, entraîna un mouvement de réaction, car la liberté ne se laisse point toujours impunément opprimer ; mais la Sainte-Alliance en vint enfin à bout, et si l’armée autrichienne, aidée des Russes, n’occupa point tout de suite le Piémont et les Deux-Siciles, il faut avoir la justice de dire qu’on le doit à, la résistance de Louis XVIII, qui déclara à M. de Metternich « que si les armées autrichiennes envahissaient le Piémont, l’occupation ne saurait être d’une longue durée, car la France ne pourrait souffrir les Autrichiens sur les Alpes. » Cependant les rois coalisés finirent par avoir le dessus sur les peuples ; l’armée autrichienne entra en Piémont et Naples fut conquise. M. de Metteruich dirigea les discussions du congrès de Vérone (1822), qui fut le triomphe de la réaction. La France reçut la déplorable et honteuse mission de comprimer les cortés espagnoles, comme Metternich avait été l’exécuteur armé des volontés de l’Alliance contre Naples et le Piémont, et la Révolution fut étouffée. Tous les actes de cabinet, toutes les proclamations qui suivirent la tenue des congrès dont nous venons de parler furent spécialement l’œuvre de M. de Metternich, regardé alors par toutes les chancelleries comme le premier diplomate de l’Europe. M. de Metternich vit avec un grand déplaisir l’insurrection des Grecs, car il craignait que la Russie, dont il connaissait les projets ambitieux sur Constantinople, n’intervînt ; ce qui eut lieu, en effet, en 1827. Il fit sonder alors le ministère français ; mais on l’écouta à peine, car des négociations ouvertes entre les cabinets de Londres, de
Saint-Pétersbourg et de Paris, sur la question des Grecs, aboutirent au traité de juillet et à la bataille de Navarin. Il tenta vainement de faire renoncer les puissances à suivre une politique qui tendait finalement à tuer la Turquie au profit de la Russie ; mais, voyant la position de l’Autriche sur le Danube sérieusement menacée, il s’adressa au cabinet de Saint-Pétersbourg, et ses remontrances eurent pour résultat d’arrêter les Russes à Andrinople. Pendant ce temps, les événements ‘marchaient en France vers une crise inévitable ; le ministère de M. de Polignac était formé. Sous le simple point de vue diplomatique, c’était un avantage pour l’Autriche, car on sortait du point de vue russe pour entrer dans les idées anglaises. Toutefois, un esprit aussi subtil que M. de Metternich ne pouvait voir sans appréhension une lutte engagée entre les pouvoirs politiques dans un pays comme la France, habitué à donner l’impulsion au reste de l’Europe. Enfin éclata la Révolution de Juillet. Dans cette circonstance, M. de Metternich attendit la Révolution l’arme au bras, mais sans faire contre elle aucune démonstration hostile. Cette modération fut poussée si loin que, dès qu’un gouvernement régulier fut établi en France, le ministre autrichien se hâta de le reconnaître, sans affection comme sans haine, et par ce seul motif, dit-il, qu’un gouvernement régulier est toujours un fait protecteur de l’ordre et de la paix publique. Cependant il continua à augmenter insensiblement l’influence autrichienne en Italie, sans trop de souci des traités et dans la confiance que le gouvernement de Louis-Philippe n’était pas encore assez affermi pour s’y opposer. Mais lorsque le cabinet de Vienne , enhardi par la longanimité du nouveau gouvernement, voulut régler à sa fantaisie les affaires d’Italie et intervint militairement dans les Etats du pape, l’occupation d’Ancône par les Français montra qu’il y avait des limites que la monarchie de Juillet ne laisserait pas franchir. Depuis cette époque, l’Autriche se tint en Italie simplement sur la défensive. Après la mort de l’empereur François, M. de Metternich resta le ministre et le conseil de son successeur Ferdinand 1er, et se réjouit un instant, en 1840, de voir la question d’Orient amener entre la France, et l’Angleterre une rupture presque complète ; mais prévoyant ensuite qu’une guerre générale s’ensuivrait et qu’elle se ferait au profit de le Russie, il fut le premier à proposer son entremise pour le maintien de la paix en 1841. En 1846, les mariages espagnols amenèrent une rupture momentanée dans les relations de l’Angleterre et de la France. Ce dernier pays se rapprocha du cabinet de Vienne ; mais ce rapprochement ne fut que momentané ; l’année suivante, un dissentiment s’éleva même à propos des affaires de la Suisse. L’avènement de Pie IX, qui passait à tort pour favoriser les idées libérales et nationales, fut en Italie le signal d’une effervescence qui gagna bientôt la Lombardie, la Vénétie, la Hongrie, la Bohême. M. de Metternich, essayait vainement de la comprimer, lorsque la chute de Louis-Philippe et la proclamation de la république vinrent ajouter de nouvelles complications à ces embarras. Le diplomate autrichien songea alors à faire des réformes dans le sens libéral, mais il était trop tard ; il fut débordé et l’insurrection de la Vénétie, le 13 mars 1848, l’obligea à donner sa démission d’un poste qu’il occupait depuis trente-huit ans. M. de Metternich traversa l’Allemagne en ébullition et alla à Dresde, d’où fut obligé de gagner la Hollande, puis Bruxelles, où il s’établit en 1849. Au mois de juin de l’année 1851, il revint habiter sa propriété de Johannïsberg, où le nouvel empereur le visita et vint lui démander ses avis, sans toutefois le rappeler aux affaires, ce dont il eut quelque dépit, d’autant plus qu’il se voyait remplacé par un homme bien inférieur à lui, le prince de Schwartzenberg, dont il était loin, et avec raison, d’approuver la politique. Metternich vit la guerre de 1859, entre la France et l’Autriche, mais il mourut quelques jours trop tôt pour recevoir la nouvelle de la signature du traité de Villafranca. qui devait porter une si grave atteinte, à l’oeuvre de 1815. Le prince de Metternich avait été marié trois fois. Après avoir perdu sa première femme, il épousa, en 1827, la baronne Marie-Antoinette de Leykham, qu’il perdit le 12 janvier 1829. Il se remaria une troisième fois, le 30 janvier 1831, avec la comtesse Mélania Zichy, morte cinq ans avant lui, le 30 mars 1854. Le prince de Metternich aimait les sciences, les lettres, les arts, qu’il cultivait pendant ses loisirs. « Homme d’esprit et non de génie, dit M. Léo Joubert, plus capable de profiter des circonstances, que de les faire naître, plus habile à tourner les difficultés qu’à les résoudre, devant beaucoup à sa haute naissance, il eut le mérite et le bonheur, de conduire supérieurement les affaires de son pays à travers la crise de 1813, et depuis il vécut un peu sur sa réputation. A force d’entendre dire qu’il représentait le génie de la résistance, il avait fini par le croire, et il aimait à se donner pour un professeur infaillible de politique conservatrice. » « Son système à l’intérieur, dit Capefigue, consistait à maintenir, à l’aide d’une police ombrageuse, de la censure et d’un blocus intellectuel, l’Autriche en dehors de l’influence et de l’action des idées révolutionnaires, à conserver immobile le statu quo en défiance des innovations, quelles qu’elles fussent. Toutefois, cette tactique fut impuissante à protéger la monarchie autrichienne contre l’agitation révolutionnaire de l’époque. Sous ce système engourdissant, l’administration avait fini par perdre toute énergie. » Le prince de Metternich employa tout son talent, et un talent très réel, à soutenir cette politique à courte vue, politique fausse, impuissante, qui consista à refouler toutes les aspirations légitimes des peuples, à n’accorder aucune réforme jusqu’à l’heure où éclatent les révolutions. Ou ne saurait donc considérer M. de Metternich comme un grand homme d’Etat ; mais, tout en soutenant une politique immorale, il se montra, incontestablement, un diplomate retors, rompu aux affaires, et il exerça sur la diplomatie européenne un incontestable ascendant. Si on le considère à ce dernier point de vue, on ne saurait nier qu’il n’ait employé tous ses efforts à rendre l’Autriche puissante et forte ; mais, comme il ne s’appuyait que sur la force, son œuvre devait être éphémère, et elle commençait à tomber en dissolution lorsqu’il mourut. « Il fit de l’Autriche, dit un écrivain anglais, l’une des plus grandes monarchies de l’Europe, fortifiée sur le Pô, sur le Danube, sur le Rhin, touchant d’un côté aux riches plaines de l’Italie, appuyée sur la haute Allemagne, l’Illyrie, les provinces slavoniennes, et s’étendant jusqu’aux rives des Riesengebirge. Comme ministre de cet immense empire, Metternich fut le Titan de son siècle. Sans recourir au glaive, partout où il étendit son action, il remporta la victoire. Par de secrètes stipulations avec les princes, l’Italie était à ses pieds. Il gouvernait la Germanie au moyen de la confédération qu’il avait lui-même organisée et qui, outre les troupes impériales, plaçait sous son contrôle une armée de 300.000 hommes. Napoléon lui-même, dans la suprématie de son pouvoir, avait à peine une armée plus considérable que celle que Metternich acquit par des moyens pacifiques et conserva en persuadant à l’Europe qu’elle était nécessaire au maintien de la paix générale… Dès l’âge de vingt-cinq ans, jusque vers la fin de sa vie, il fut le véritable régent de cet amas de populations hétérogènes réunies sous le sceptre de la maison de Habsbourg ; et le prestige de sa haute situation, joint au succès de sa tactique, lui donna près des princes étrangers plus de crédit qu’ils n’en accordaient souvent à leurs propres conseillers. Son nom était également respecté à Rome, à Pétersbourg, à Paris pendant la Restauration, à Londres pendant la régence, et à Vienne. Son action n’était donc point, comme celle des autres potentats, restreinte dans les limites de son pays, elle s’étendait aux plus importants du globe. Partout où il s’élevait quelque grande question, sa voix avait la prépondérance. Pendant plus d’un demi-siècle, il présida aux conseils de la diplomatie et, fut le guide de la politique européenne. »

(Extrait du dictionnaire Larousse du dix-neuvième siècle)

Lien : Prince Clément de Metternich sur wikipedia

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