juillet 11, 2008

ENTREVUE ET TRAITE DE PAIX DE TILSIT (1807)

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Mes aigles sont abordées sur le Niémen.

(Napoléon Bonaparte)

ENTREVUE ET TRAITÉ DE TILSIT. Après la bataille de Friedland (juin 1807), les troupes russes se hâtèrent de mettre le Niémen entre elles et l’armée française, qui les poursuivait l’épée dans les reins. Napoléon s’établit à Tilsit, petite ville située en deçà du fleuve, et y signa une suspension d’armes avec le prince de Labanoff et le maréchal de Kalkreuth, agissant au nom de leurs souverains, l’empereur Alexandre et le roi de Prusse. Ces derniers ressentaient plus vivement encore la nécessité d’ouvrir des négociations pour une paix définitive, et le prince de Labanoff s’en ouvrit franchement à Napoléon en lui laissant entrevoir le désir qu’éprouvait son maître de s’entendre directement avec un homme qu’il avait appris à admirer autant qu’à redouter. Napoléon souscrivit à ce vœu avec empressement, et l’entrevue fut fixée au lendemain 25 juin. Un large radeau fut établi par ses ordres au milieu du Niémen, à égale distance des deux rives du fleuve, portant un pavillon destiné à recevoir les deux monarques. Le jour fixé, à une heure de l’après-midi, Napoléon monta de son côté dans une barque, accompagné de Murat, Berthier, Bessières, Duroc et de Caulaincourt, tandis qu’Alexandre quittait l’autre rive avec le grand-duc Constantin, les généraux Benningsen et Ourvarow, le prince Labanoff et le comte de Lieven. En s’abordant, Alexandre et Napoléon se jetèrent cordialement dans les bras l’un de l’autre. Napoléon et Alexandre entrèrent ensuite dans le pavillon et en vinrent à de franches explications sur les motifs qui leur avaient mis les armes à la main. Pourquoi se faisaient-ils la guerre, si ce n’est au profit de l’égoïste Angleterre, qui en recueillait les bénéfices sans en courir les risques ? Napoléon, avec sa sagacité, sa connaissance des hommes, eut bien vite démêlé chez son interlocuteur quel était le mobile secret de toutes ses actions. C’était l’orgueil, l’ambition de jouer un grand rôle, et le vainqueur de Friedland, avec son irrésistible puissance de séduction, s’attacha à faire miroiter aux yeux d’Alexandre les plus brillantes perspectives. Il est fort difficile, pour ne pas dire impossible, de savoir exactement la nature des entretiens qui eurent lieu à Tilsit, entre Alexandre et Napoléon. Une foule de commentaires ont été faits à ce sujet. Nous suivons ici la narration de l’éloquent historien du Consulat et de l’Empire, qui a pu, mieux que personne, baser son récit sur des documents authentiques. Les deux souverains convinrent de continuer leurs entrevues à Tilsit, qu’on neutraliserait à cet effet. Restait à entamer la cause de ce malheureux roi de Prusse, qu’Alexandre avait entraîné dans cette guerre funeste, et qui se trouvait à son quartier général. Comme les deux souverains devaient se rencontrer encore le lendemain sur le Niémen, en attendant que les préparatifs fussent terminés à Tilsit, il fut convenu qu’Alexandre serait accompagné de son allié. Napoléon accueillit ce dernier avec les égards dus à son rang et à ses malheurs, mais en lui faisant clairement entendre que les frais de la guerre seraient lourds pour la Prusse. Ce même jour (26 juin), l’empereur de Russie se rendit à Tilsit, où il fut reçu par Napoléon, et le lendemain les deux empereurs passèrent en revue la garde impériale française. C’est dans cette circonstance qu’Alexandre, apercevant un vétéran a la figure toute balafrée, qui leur présentait les armes sur leur passage, s’arrêta un instant et parut le contempler avec curiosité. Sire, dit Napoléon en saisissant l’à-propos, que dites-vous de soldats qui survivent à de pareilles blessures ? – Et vous, sire, riposta Alexandre avec esprit, que dites-vous de ceux qui les font ? – Ils sont morts ! » dit fièrement le soldat, évitant à Napoléon l’embarras d’une réponse, et se mêlant ainsi, par ce mot simple et héroïque, à la conversation des plus puissants potentats du monde. « Sire, dit Alexandre en s’inclinant avec courtoisie, vous êtes partout le vainqueur. – C’est que la garde a donné » reprit Napoléon en riant et faisant de la main un signal amical à son vieux grognard. Napoléon n’ignorait certes pas l’ambition traditionnelle qui a toujours tenu les regards de la Russie tournés vers l’Orient, et il se promettait bien de faire vibrer cette corde dans le cœur d’Alexandre. En ce moment même, il apprit que le sultan Sélim, son allié, venait d’être précipité du trône par une révolte des janissaires, ce qui le rendait tout à fait libre du côté de la Turquie. On en vint bientôt à l’éventualité du partage de l’empire turc ; mais Napoléon n’entendait céder Constantinople à qui que ce soit, et un jour, M. de Méneval, son secrétaire, l’entendit s’écrier : « Constantinople ! Constantinople ! jamais ! C’est l’empire du monde ! » Toutefois, comprenant que, pour s’attacher son nouvel allié il fallait, avec les perspectives brillantes qu’il lui ouvrait du côté de l’Orient, lui assurer des garanties plus positives aux portes de son empire, il lui faisait entrevoir la Finlande et les provinces danubiennes comme prix du concours de la Russie aux projets de la France. Une alliance intime, à la fois offensive et défensive, fut dès ce moment convenue entre la France et la Russie, qui s’engageaient à n’avoir à l’avenir que les mêmes amis et les mêmes ennemis. Les deux puissants souverains se faisaient d’avance la part du lion. Quant à la Prusse, quoique l’alliée d’Alexandre, elle allait payer cet arrangement de la moitié de ses provinces. Frédéric-Guillaume eut à cet égard, avec Napoléon, une scène des plus vives, où il laissa éclater toute l’amertume de ses ressentiments ; mais cette protestation désespérée ne devait éveiller aucun sentiment dans l’âme obstinée du conquérant. Son siège était fait, il lui fallait la moitié des Etats prussiens pour remplir les exigences de ses combinaisons. Etonnons-nous, après cela, des haines implacables que nous avons soulevées de l’autre côté du Rhin ! Le 8 juillet 1807 fut signé ce fameux traité de Tilsit, qui a été l’objet de tant de commentaires de la part des historiens, des publicistes et des pamphlétaires. Laissons ici la plume à M. Thiers, qui a nettement reproduit les principales clauses du traité. II y eut trois genres de stipulations : « Un traité patent de la France avec la Russie, et un autre de la France avec la Prusse ; Des articles secrets ajoutés à ce double traité ; Enfin un traité occulte d’alliance offensive et défensive entre la France et la Russie, qu’on s’engageait à envelopper d’un secret absolu, tant que les deux parties ne seraient pas d’accord pour le publier. Les deux traités patents entre la France, la Russie et la Prusse contenaient les stipulations suivantes : Restitution au roi de Prusse, en considération de l’empereur de Russie, de la vieille Prusse, de la Poméranie, du Brandebourg, de la haute et basse Silésie ; Abandon à la France de toutes les provinces à la gauche de l’Elbe, pour en composer, avec le grand-duché de Hesse, un royaume de Westphnlie, au profit du plus jeune des frères de Napoléon, le prince Jérôme Bonaparte ; Abandon des duchés de Posen et de Varsovie, pour en former un Etat polonais, qui, sous le titre de grand-duché de Varsovie, serait attribué au roi de Saxe, avec une route militaire à travers la Silésie, qui donnât passage d’Allemagne en Pologne ; Reconnaissance par la Russie et par la Prusse de Louis Bonaparte en qualité de roi de Hollande, de Joseph Bonaparte en qualité de roi de Naples, de Jérôme Bonaparte en qualité de roi de Westphalie ; reconnaissance de la confédération du Rhin et, en général, de tous les Etats créés par Napoléon ; Enfin, médiation de la Russie pour rétablir la paix entre la France et l’Angleterre ; Médiation de la France pour rétablir la paix entre la Porte et la Russie. Les articles secrets contenaient les stipulations suivantes : Restitution aux Français des bouches du Cattaro ; Abandon des Sept-Iles, qui devaient désormais appartenir à la France en toute propriété ; Promesse, à l’égard de Joseph, déjà reconnu roi de Naples dans le traité patent, de le reconnaître aussi roi des Deux-Siciles, quand les Bourbons de Naples auraient été indemnisés au moyen des Baléares ou de Candie ; Promesse, en cas de réunion du Hanovre au royaume de Westphalie, de restituer à la Prusse, sur la gauche de l’Elbe, un territoire peuplé de 300.000 ou de 400.000 habitants ; Traitements viagers, enfin, assurés aux chefs dépossédés des maisons de Hesse, de Brunswick, de Nassau-Orange. Le traité occulte, le plus important de tous ceux qui étaient signés dans le moment, et qu’on se promettait d’envelopper d’un secret inviolable, contenait l’engagement, de la part de la Russie et de la France, de faire cause commune en toute circonstance, d’unir leurs forces de terre et de mer dans toute guerre qu’elles auraient à soutenir ; de prendre les armes contre l’Angleterre si elle ne souscrivait pas aux conditions que nous avons rapportées, contre la Porte si celle-ci n’acceptait pas la médiation de la France, et, dans ce dernier cas, de soustraire les provinces d’Europe aux vexations de la Porte, excepté Constantinople et la Roumélie. Les deux puissances s’engageaient à sommer en commun la Suède, le Danemark, le Portugal, l’Autriche elle-même, de concourir aux projets de la France et de la Russie, c’est-à-dire de fermer leurs ports à l’Angleterre et de lui déclarer la guerre. » Le lendemain (9 juillet) de la signature de ce traité, qui constituait la France et la Russie lès-deux arbitres du monde, Napoléon et Alexandre se firent leurs adieux et s’embrassèrent une dernière fois sur les bords du Niémen au milieu des acclamations enthousiastes des deux armées. On peut dire que Tilsit marque l’apogée de la gloire et de la puissance de Napoléon ; mais quelques années à peine devaient suffire à renverser l’édifice colossal qu’il y avait élevé. C’est que rien de durable ne se fonde par la force : il faut au monument les assises éternelles de la justice et du respect dû aux légitimes aspirations des peuples.

(Extrait du dictionnaire Larousse du dix-neuvième siècle)

Lien : Traité de Tilsit sur wikipedia

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