mars 16, 2008

AMIRAL HORATIO NELSON (1758-1805), DUC DE BRONTE

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L’Amiral Horatio Nelson (1758-1805)

Nelson était un brave homme. Si Villeneuve à Aboukir et Dumanoir à Trafalgar avaient eu un peu de son sang, les Français auraient été vainqueurs.

(Napoléon Bonaparte)

NELSON (Horace), célèbre amiral anglais, né à Burnham-Thorpe, comté de Norfolk, le 29 septembre 1758, mort au combat de Trafalgar, le 21 octobre 1805. Son père était recteur de Burnham-Thorpe ; sa mère, née Suckling, était petite-fille d’une sœur aînée de sir Robert Walpole, et le premier lord Walpole (Horace, oncle du second) fut le parrain du futur héros, qui eut dix frères ou sœurs, dont sept survécurent avec lui à leur mère, décédée en 1767. A la mort de mistress Nelson, le père de la défunte, capitaine de la marine royale, offrit au père de prendre avec lui un de ses enfants ; mais cette proposition fut d’abord ajournée, et le jeune Nelson passa encore trois ans à l’école de Norwich. Il venait d’atteindre sa douzième année, quand il prit lui-même le parti d’aller rejoindre son oncle, qui commandait le vaisseau le Raisonnable. C’était alors un enfant malingre, usé par les fièvres, et qui semblait ne pas devoir fournir une longue carrière. Peu de temps après, le capitaine Suckling, jugeant qu’un service inactif ne convenait pas à l’éducation maritime de son neveu, le fit embarquer sur un navire de la Compagnie des Indes que commandait un de ses anciens compagnons d’armes. Nelson, parti en 1770, ne revint à Chatham qu’au mois de juillet 1772. Peu après, il obtint, malgré son extrême jeunesse, de se faire attacher à l’équipage d’un navire qui partait pour le pôle nord. Au retour de cette expédition, il passa sur un vaisseau de l’escadre de sir Edward Hugher en partance pour les Indes orientales. Sa bonne conduite, remarquée par le commandant, lui valut bientôt le grade de midshipman (enseigne). Obligé sur ces entrefaites de revenir en Angleterre pour soigner sa santé, il passa son examen de lieutenant (1777), et, à la fin de l’année suivante, nommé premier lieutenant, il monta sur le brick le Blaireau, à bord duquel il fit comme commandant le voyage de la Jamaique. En 1779, il passa comme post-capitaine sur le Hinchinbrook, de 28 canons, puis de là sur le Janus, de 44 canons, à la suite d’une expédition contre les Espagnols. Revenu en Angleterre, il fut présenté à la cour et reçut le commandement de l’Albemarle, vaisseau de haut bord, à destination des côtes danoises ; puis, après un hiver passé dans ces parages, il fit voile pour Québec, où il séjourna jusqu’à la paix de 1783, dite la paix de Versailles. Ce fut alors qu’il vint habiter la France avec un de ses amis, le capitaine Macnamara, dans le but ou sous le prétexte ostensible d’apprendre le français et de voir une société nouvelle ; mais ce pays ne plut pas longtemps à Nelson, qui se hâta de revenir à Londres. A peine arrivé, il reçut l’ordre d’aller croiser parmi les îles sous le Vent, à bord de la frégate le Boreas ; il fit la connaissance, à l’île Névis, de mistress Nisbett et l’épousa en 1787. Mais bientôt, contrarié dans son service et en butte aux vexations de l’amirauté, dont il avait dévoilé certaines manœuvres coupables, il se retira dans le prieuré de Burnham-Thorpe, auprès de sa jeune femme et de son vieux père. L’amirauté le laissait inactif, avec de minces ressources, et il songeait à envoyer sa démission, quand il fut appelé au commandement de L’Agamemnon et envoyé dans la Méditerranée sous les ordres de lord Hood, en vue des hostilités prochaines entre l’Angleterre et la France révolutionnaire (1793). Nelson ne prit aucune part à l’occupation de Toulon ; lord Hood l’avait choisi pour porter des dépêches à sir William Hamilton, envoyé de Saint-James à la cour de Naples. Dès leur premier entretien, sir William conçut de Nelson la plus haute idée : « Vous verrez, disait-il à sa femme, un petit homme qui se ferait difficilement passer pour un joli garçon, mais qui, j’imagine, étonnera quelque jour le monde. Je n’ai jamais reçu d’officier chez moi, continuait-il, mais je suis résolu, pour celui-ci, à me départir de mes habitudes… » A la même époque, Nelson forma, sous les auspices de l’ambassadeur anglais, des relations qui devaient être encore plus fatales à sa gloire. Le roi et la reine de Naples, comme s’ils eussent prévu l’avenir qui leur était réservé, prodiguèrent les distinctions les plus flatteuses au jeune capitaine. Rien dans sa correspondance de ce temps-là ne fait pressentir l’attachement qu’il devait éprouver plus tard pour lady Hamilton. Il parle d’elle à sa femme dans les termes les plus simples et les plus froids, comme personne aimable qui s’est rendue digne d’un rang où elle a été tout à coup élevée par le hasard ». Il ajoute simplement qu’elle s’est montrée fort bonne pour Josiah Nisbett, son beau-fils, embarqué sur l’Agamemnon avec le grade de midshipman. Après la prise de Bastia, lord Hood, emmenant avec lui l’Agamemnon, gagna les îles d’Hyères, où il pensait rencontrer les vaisseaux de la République. L’idée d’en venir aux mains avec les ennemis inspirait à Nelson une joie farouche, à peine troublée par quelques pressentiments sinistres : « Dieu veuille, écrivait-il a sa femme, que nous rencontrions la flotte française ! Si quelque accident m’arrivait, je suis sûr du moins que ma conduite vous aurait acquis des droits à la faveur royale. Ce n’est pas que je n’espère revenir bientôt vers vous, et y revenir avec honneur ; mais, s’il en était autrement, que la volonté de Dieu soit faite !… » On rencontra, en effet, l’ennemi, près de Saint-Tropez, mais sans qu’aucun engagement s’ensuivît, la flotte française ayant échappé à ceux qui la poursuivaient. Après quoi, l’Agamemnon fut envoyé prendre part assiège de Calvi, que faisait alors le général, sir Charles Stuart. Nelson y perdit un œil (10 juillet 1794). L’année suivante, le 14 mars, il se distingua au brillant combat naval livré contre la flotte française dans les mêmes eaux, et fut envoyé devant Gênes avec 8 frégates pour y mettre le blocus, avec l’aide de l’armée austro-sarde ; toutefois, cette campagne de 1794 se passa en hostilités insignifiantes. En revanche, celle de 1796, conduite par le général Bonaparte, obligea Nelson à se retirer devant les Français ; il dut même pourvoir au salut de la garnison anglaise de Bastia, sérieusement menacée par les patriotes. De là, il avait dû se rendre à Porto-Ferrajo (île d’Elbe). Il avait alors son pavillon sur la Minerve, capitaine Cockburn. Chemin faisant, il eut la bonne fortune de rencontrer deux frégates espagnoles, dont l’une, la Sabina, fut faite prisonnière après combat. Jusqu’ici, cependant, le nom du jeune commodore était resté dans l’ombre. La bataille navale du cap Saint-Vincent (14 février 1797), livrée par sir John Jervis contre l’amiral don Joseph de Cardova, vint enfin lui donner sa part de gloire. Nelson, dont le vaisseau était à l’arrière-garde, prit sur lui de désobéir à l’ordre de manœuvre, tourna sa proue vers les Espagnols, et se précipita au milieu de leurs navires. Il aborda le San-Nicolas, sur lequel flottèrent bientôt les couleurs britanniques ; puis le San-Jose, de 112 canons, faisant feu sur le vaisseau capturé, Nelson et ses marins s’élancèrent, par-dessus leur nouvelle conquête, à l’abordage de ce gigantesque navire. C’est alors que l’impétueux commodore poussa un cri où son âme enthousiaste se peignait tout entière : Westminster-Abbey ou la victoire ! répéta-t-il plusieurs fois en brandissant son couteau d’abordage. Tout plia devant cet élan furieux ; et, en arrivant sur le gaillard d’arrière, Nelson y trouva le capitaine du San-Jose prêt à lui remettre son épée ; le reste des officiers en fit autant, et Nelson, embarrassé de toutes ces armes qu’on lui présentait, les passait l’une après l’autre à un de ses matelots de l’Agamemnon, qui, le plus froidement du monde, entassait sous son bras le glorieux trophée. Ce brillant fait d’armes commença la renommée de Nelson, qui fut immédiatement promu au grade de contre-amiral dans l’escadre bleue. Sir John Jervis l’ayant autorisé à garder l’épée du contre-amiral espagnol, il en fit hommage au maire et à la corporation de Norwich, qui, à cette occasion, lui décerna les franchises municipales. Mais de toutes ces marques de reconnaissance et de respect, aucune ne lui fut plus sensible qu’une lettre écrite par son respectable père : « Je bénis Dieu, lui disait l’excellent vieillard, de toutes les puissances d’une âme reconnaissante, pour m’avoir conservé un fils comme vous. Non-seulement les rares connaissances que j’ai ici, mais tous mes autres concitoyens m’abordaient avec des paroles si flatteuses, que j’ai dû renoncer à paraître en public. Bien peu de fils, mon cher enfant, sont parvenus à la hauteur glorieuse où vous ont porté vos talents et votre bravoure, avec l’aide de la Providence. Bien moins de pères ont vécu pour saluer de pareils triomphes. La joie que j’en ai ressentie, et que je contenais en vain, a mouillé de larmes une joue sillonnée de rides. Qui donc, à ma place, eût accueilli d’un œil s’ec des félicitations aussi unanimes ? Partout, dans les rues de Bath, retentissent le nom et les exploits de Nelson, aussi bien sur les lèvres du chanteur des rues que dans l’enceinte du théâtre public. » Nelson, à cette époque, comptait trente-huit ans et cent-vingt combats. Du cap Saint-Vincent, il repartit pour Porto-Ferrajo, d’où il ramena le reste des troupes qui occupaient l’île d’Elbe. A son retour, il plaça sur le Theseus son pavillon de commandement. Ce fut à bord de ce vaisseau que l’intrépide marin prit une part importante au bombardement de Cadix, et peu s’en fallut qu’il n’y perdît la vie. A son avis, du moins, il n’avait jamais couru de danger plus grand que lorsque, attaquant de nuit les chaloupes canonnières des Espagnols, sa barge eut affaire à un caïque armé, monté par 26 hommes et commandé par don Miguel Tregoyen. Nelson n’avait avec lui que 10 matelots, 1 officier et son vieux et fidèle John Sickes, qui lui sauva deux fois la vie au prix de ses jours. A peu de jours de là, Nelson partit à la tête d’une expédition dirigée contre Ténériffe. Il l’avait lui-même conçue et proposée, pour s’emparer des galions mexicains que l’on disait arrêtés près de cette île. On lui donna 4 vaisseaux de ligne, frégates et 1 cutter, mais il avait demandé, en outre, d’emmener avec lui une partie des troupes retirées de l’île d’Elbe, et ce point lui fut refusé. De plus il avait ordre, tout en dirigeant le débarquement, de rester à bord, « sauf l’indispensable nécessité du service. » Les calmes et les courants contraires empêchèrent la réussite d’une entreprise de nuit pratiquée contre le fort Santa-Cruz. Il fallut donc se décider à une autre attaque, dont la position de Ténériife rendait le succès fort douteux. Aussi Nelson écrivait-il, la veille, à son amiral, en lui parlant de son plan d’attaque : « Demain, selon toutes les probabilités, ma tête sera couronnée de lauriers ou de cyprès. Je me borne à vous recommander, à vous et à mon pays, mon beau-fils Josiah Nisbett. » Ce jeune homme, du reste, se montra digne de l’attachement que Nelson lui témoignait. Appelé par lui dans la cabine pour l’aider à mettre en ordre et à brûler quelques papiers, le lieutenant y descendit en costume de combat. Nelson, cependant, le suppliait de rester à bord. « Si nous tombions tous deux, mon cher Josiah, lui dit-il, qu’arriverait-il de votre pauvre mère ? C’est à vous, d’ailleurs, que revient le soin du Theseus ; restez-y donc, et prenez soin du navire. – Monsieur, répliqua Nisbett, le vaisseau prendra soin de lui-même ; quant à moi, je vous suivrai cette nuit, dusse-je ne jamais revenir à bord. » L’attaque de Ténériffe eut lieu sur les onze heures du soir, après un souper d’officiers, présidé par mistress Freemantle, femme du capitaine de ce nom. Les Anglais partirent au nombre d’environ 950 hommes, sur les chaloupes de leurs navires. Favorisés par la nuit, ils arrivèrent sans être vus jusqu’à une demi-portée de canon de la jetée où ils voulaient débarquer. Nelson donna l’ordre de s’éparpiller et de ramer vigoureusement vers le rivage ; mais les Espagnols avaient fait d’excellents préparatifs et les Anglais étaient à peine aperçus que 30 ou 40 pièces de canon, braquées sur la mer, ouvraient le feu ; une vive mousqueterie éclaira d’un bout à l’autre les murailles de la ville. Il faisait nuit noire ; la plupart des chaloupes manquèrent la jetée et arrivèrent au rivage à travers des brisants furieux qui faillirent les submerger. L’amiral, cependant, et avec lui Freemantle, Thompson, Bowen, arrivèrent au môle, qu’ils emportèrent d assaut, bien qu’à leur compte il fût défendu par 500 ou 600 hommes. Les canons qui le garnissaient furent encloués ; mais la fusillade devint très-vive, et les assaillants, presque tous tués ou blessés, ne purent gagner du terrain. Au moment où il sautait hors de sa barque, Nelson avait reçu une balle au bras droit. Il tomba du coup, mais en tombant il prit, de la main gauche, son épée qu’il venait de tirer et dont il ne voulait point se séparer, lui vivant, car il la regardait comme une relique de famille, qui avait appartenu à son oncle, le capitaine Suckling. Le lieutenant Nisbett, qui était à côté de lui, le coucha au fond de la barque et couvrit de son chapeau le bras blessé, de peur que la vue du sang qui coulait en abondance n’ajoutât à la défaillance de l’amiral. Quelques minutes après, une sinistre clameur traversa l’air : c était l’équipage du cutter le Fox qu’un boulet venait de couler bas. Le premier navire anglais que Nelson rencontra sur sa route fut justement le Sea-Horse, à bord duquel il avait soupe là veille ; mais, malgré les instantes prières de l’équipage et les dangers qu’on devait braver pour arriver à un autre vaisseau, Nelson ne voulut jamais monter sur celui-ci : « J’aimerais mieux, mourir, disait-il, que d’alarmer mistress Freemantle, en me montrant à elle dans l’état où je suis, surtout quand je n’ai pas de nouvelles certaines à lui donner de son mari. » Arrivé au Theseus, il refusa toute assistance pour monter à bord, tant il était impatient de voir les matelots retourner au secours des gens du Fox. Une seule corde lui fut jetée, qu’il roula deux fois autour de sa main gauche, et qui servit à le hisser. « Cela suffit bien, dit-il ; j’ai encore mes deux jambes et un bras ; que le chirurgien se presse et apporte ses instruments ; je sais qu’il faut me couper le bras droit, et le plus tôt, sans contredit, sera le mieux. » Les plus vieux matelots pâlissaient en écoutant ces intrépides paroles. Quant à l’expédition elle-même, l’échec était complet ; mais devant la menace de mettre le feu aux quatre coins de la ville, si l’ennemi s’opposait au libre embarquement des troupes anglaises et n’acceptait pas rechange des prisonniers faits de part et d’autre, le gouverneur de Ténériffe, plutôt touché de ce courage que cédant à la peur, consentit à traiter comme le désirait l’ennemi. Nelson fut profondément affecté de-ce revers ; cependant, au lieu de l’abandon qu’il craignait, il fut comblé de félicitations, aussi bien par la cour que par l’amirauté ; Bristol et Londres l’admirent au nombre de leurs bourgeois libres ; il reçut l’ordre du Bain et une pension de 1.000 livres sterling (25.000 francs). Le mémoire qu’il dut présenter à cette occasion détaillait de rares états de service : quatre batailles navales contre des flottes, trois combats sur des chaloupes canonnières, trois villes prises, quatre mois de service dans l’armée de terre, deux sièges de plus, Nelson avait contribué à la prise de 7 vaisseaux de guerre, 6 frégates, 4 corvettes, 11 corsaires ; il avait détruit près de 50 bâtiments de commerce et payé de sa personne à plus de cent vingt combats ; ces divers exploits lui avaient coûté la perte d’un œil et d’un bras, sans parler de plusieurs blessures plus ou moins graves. Dès qu’il se sentit en état de reprendre du service, Nelson plaça son pavillon sur le Vanguard et alla rejoindre le comte Saint-Vincent dans la Méditerranée. Ses adieuxà son père et à sa femme furent empreints des sentiments les plus affectueux. Aucun nuage n’avait encore altéré la vive tendresse qu il portait à celle-ci, et ses dernières paroles furent, en la quittant, que « satisfait pour lui-même au delà de son ambition, il allait travailler à lui assurer le rang dont elle était digne. » Lorsqu’il rejoignit la flotte anglaise, on ne savait encore sur quel point de l’univers allait se diriger cette expédition mystérieuse que le général Bonaparte avait demandée au Directoire, et dont les immenses préparatifs attestaient assez l’importance (1798). Les mémoires du temps nous apprennent aussi qu’après avoir pris Malte, et durant la traversée qui le conduisit en Egypte, Napoléon, causant avec Brueys, pesa plusieurs fois les chances d’un engagement avec la flotte anglaise ; mais ces prévisions étaient inutiles, et Nelson, par trop de hâte, laissa la route libre aux ennemis qu’il était chargé de surveiller. Après avoir d’abord louvoyé sur les côtes de Sardaigne, instruit du but de l’expédition française, il fit force de voiles vers Alexandrie et arriva devant ce port avant les navires qu’il poursuivait et en sortit le jour même, sans s’être assuré qu’ils n’y entraient pas après lui. Déjà une fois (dans la nuit du 22 juin) la flotte française et la flotte anglaise s’étaient croisées, sans se douter le moins du monde qu’elles fussent si près l’une de l’autre. Cette méprise se renouvela, car, au moment où les vaisseaux français approchaient du port égyptien, ils entendirent, à leur droite, une canonnade ; c’étaient les signaux de Nelson, qui allait chercher l’ennemi sur les côtes de Caramanie. En ce moment, les deux flottes étaient à 5 lieues l’une de l’autre. « S’il eût été jour, dit un historien, ou si le hasard eût poussé Nelson un peu à gauche de la route qu’il suivit, une autre bataille d’Aboukir aurait pu changer les destinées du monde ; mais, cette fois, l’étoile de Napoléon l’emporta. » En Angleterre, lorsqu’on apprit que Bonaparte avait paisiblement traversé la Méditerranée et que ses légions victorieuses domptaient la résistance des mameluks, il n’y eut qu’un cri contre sir John Jervis, pour avoir confié à un si jeune officier le succès d’une mission aussi importante que celle dont Nelson avait été chargé. Il fut même question de traduire Nelson devant un conseil de guerre. Cependant le jeune contre-amiral était revenu en toute hâte vers la Sicile, après avoir touché à Candie, ou il croyait encore surprendre l’expédition française. Le gouvernement napolitain, alors en paix avec la République et fort peu soucieux de se brouiller avec elle, ne voulait accorder aucun secours à l’escorte anglaise, qui avait besoin de se ravitailler et de faire eau pour reprendre la mer. Enfin, grâce à sir Hamilton, et surtout à lady Emma, Nelson obtint, sinon un appui ostensible, du moins des ordres secrets qui autorisaient les gouverneurs siciliens à lui fournir tout ce dont il aurait besoin. Le 25 juillet, quatre jours après la bataille des Pyramides, Nelson partit de Syracuse pour la Morée, toujours à la poursuite de l’ennemi. Après avoir vérifié qu il n’était pas dans ces parages, il prit le parti de retourner en Egypte et arriva en vue d’Alexandrie le 1er août. A quatre heures de l’après-midi, le même jour, le, capitaine Hood signala la flotte française, embossée dans la baie d’Aboukir. La bataille s’engagea aussitôt ; le nombre des vaisseaux de ligne était égal des deux côtés ; mais les Français avaient l’avantage par la dimension des navires, le nombre des canons et la force des équipages. Cependant, malgré l’héroïque défense de Bruevs et de sa flotte, la victoire se prononça en faveur des Anglais. La plupart des capitaines français s’étaient fait tuer comme leur amiral, avant de consentir à s’avouer vaincus. L’Orient et la Sérieuse avaient disparu sous les flots ; les autres avaient amené leurs pavillons, sauf deux frégates qui prirent le large au commencement de l’action, précédées de deux vaisseaux de ligne, dont l’extrême prudence fut la seule tache qui dépara cette glorieuse défaite. En même temps que Brueys expirait en face de l’ennemi vainqueur, mais impuissant à dompter son courage, Nelson venait aussi de recevoir dans la tête un éclat de mitraille. Tout le monde, autour de lui, croyait sa blessure mortelle, et il partageait cette opinion mais, avec un admirable sang-froid, transporté dans le poste des malades, il refusa les soins du chirurgien qui abandonnait, pour venir plus vite à lui, le pansement d’un matelot blessé : « Non, s’écria l’amiral, je ne prendrai pas le tout de mes braves camarades. » Néanmoins, malgré sa blessure, Nelson ne perdit pas de vue les conséquences de sa victoire ; il dépêcha, le jour même, un officier chargé d’aller annoncer au gouverneur de Bourbon l’arrivée des Français en Egypte et la destruction totale de leur flotte, qui mettait à l’abri de toute attaque, pour le moment du moins, les établissements britanniques dans l’Inde. L’effet de cette nouvelle fut considérable en Europe ; l’Angleterre acclama son héros ; les souverains de Naples, de Sardaigne, de Turquie et de Russie comblèrent de louanges, d’honneurs et de dons précieux le vainqueur d’Aboukir. On le créa baron du Nil, avec une pension de 2.000 livres sterling ; la Cité de Londres vota des épées pour l’amiral et chacun de ses capitaines ; la Compagnie des Indes orientales fit un don de 10.000 livres sterling, la Compagnie turque donna un vase d’argent, etc. Cependant Nelson jugea le titre de baron du Nil au-dessous de ce qu’il était en droit d’attendre, et il accusa vivement Pitt d’ingratitude et de mauvaise foi envers lui. A Naples, où il retourna ensuite, à bord du Vanguard, il fut un peu consolé par l’accueil enthousiaste du roi et de la reine, ainsi que de la chère lady Hamilton. C’était à qui lui témoignerait le plus de soins et d’égards. « J’espère, écrivait-il à sa femme, vous présenter quelque jour à lady Hamilton ; c’est une des meilleures femmes qui soient au monde ; elle honore vraiment son sexe ; ses bontés et celles de sir William sont au delà de ce que je puis dire. J’habite leur maison, et il n’a fallu rien moins que les soins assidus dont ils me comblent pour rétablir ma triste santé. Vous les aimerez pour cela comme je les aime… » Bientôt, toutefois, les vrais amis du héros s’alarmèrent pour lui de la passion coupable à laquelle on le voyait en proie. Le capitaine Nisbett, fils de lady Nelson, fut un des premiers à remarquer chez son beau-père ce changement funeste ; ses lettres éveillèrent les soupçons de l’épouse outragée, ainsi que les inquiétudes de toute la famille. Par malheur, il était déjà trop tard pour que des conseils indirects produisissent, un eflet salutaire sur l’esprit de Nelson. L’amour d’une des plus charmantes femmes de l’Europe, les soins empressés qu’elle lui prodiguait, la passion qu’elle affichait pour sa gloire, l’avaient complètement fasciné. Il est aisé d’en juger par ce fragment d’une lettre adressée officiellement au premier lord de l’amirauté, lettre dont le ton contraste singulièrement avec celui des dépêches ordinaires. « Nous dînons tous aujourd’hui avec le roi de Naples, à bord d’un navire. Il est rempli d’attentions pour nous. J’ai vu souvent la reine ; elle est vraiment fille de Marie-Thérèse. De l’autre côté de la table sur laquelle j’écris ces lignes, lady Hamilton est assise, et vous comprendrez, je l’espère, le glorieux décousu de ma lettre. Votre seigneurie, à ma place, écrirait peut-être encore moins bien. Quand le cœur est ému, il faut bien que la main tremble… » Il servait toutes les intrigues et toutes les haines de la chère lady Hamilton, allant même jusqu’à dénoncer de loyaux serviteurs de la cause qu’il prétendait défendre. Il considérait Naples comme un pays d’escrocs et de courtisanes (sic), et il n’avait pas fallu plus de deux mois pour qu’il se vouât, corps et âme, à la défense de ce pays ; s’affichant désormais comme le champion dévoué de Caroline, et jurant de la défendre contre tous ses ennemis, sur mer et sur terre sa haine contre le jacobinisme et contre la France, sou zèle pour le principe monarchique se traduisent encore d’une manière presque bouffonne dans ses protestations de dévouement au roi de Sardaigne : « J’ose vous demander, lui écrivait-il, de me donner directement vos ordres et de me considérer comme un fidèle serviteur, d’autant plus dévoué à Votre Majesté qu’elle a dû plus d’infortunes à une bande d’athées, de voleurs et de meurtriers ; mais je crois que la mesure de leurs iniquités est enfin comblée, et que Dieu, dans sa sagesse, a choisi le bras de l’Autriche pour les châtier comme ils méritent de l’être. » Sur ces entrefaites, Ferdinand IV voulant s’emparer de l’île de Malte, occupée par les Français, Nelson reprit la mer et se présenta devant Goze pour appuyer la réclamation du roi Nasone (21 octobre 1798). Il revint ensuite à Naples, pour y combiner ses mouvements avec ceux de l’armée autrichienne qui devait chasser les Français de l’Italie. Mais les soldats de Championnet ayant pris les devants, il fallut songer à fuir, et ce fut « la chère lady Hamilton » qui se chargea des préparatifs du départ : les vaisseaux anglais reçurent les caisses du trésor royal, les joyaux de la couronne, les tableaux les plus précieux, tous les objets d’art de choix, tout ce qu’on pouvait enlever dans ce moment de hâte et de confusion ; puis, un soir de décembre, par un temps d’orage, Nelson vint prendre, avec trois chaloupes, toute la famille royale, qu’il conduisit saine et sauve à bord du Vanguard, et de là à Palerme. Presque aussitôt, saint Janvier, bon patriote, se déclara favorable à la révolution napolitaine et aux jacobins français ; mais, en même temps, le cardinal Ruffo et son « année chrétienne » affreux ramassis de galériens, de bandits et de moines défroqués, révolutionnaient la Calabre ; peu à peu, la réaction s’étendit dans tout le royaume de Naples, et l’occupation française, de toute parts restreinte, fut bientôt limitée à la capitale même, bloquée par terre et par mer ; les troupes républicaines durent capituler, et déjà l’évacuation était commencée quand Nelson entra tout à coup dans la baie de Naples, sur le Foudroyant, escorté de dix-sept autres vaisseaux de guerre. A la vue du pavillon qui annonçait la suspension des hostilités, lady Hamilton s’élança sur le gaillard d’arrière où était Nelson : « Bronte, lui dit-elle en lui donnant le nom d’un duché que Ferdinand et Caroline avaient offert à leur dévoué protecteur, Bronte, faites abattre ce pavillon de trêve !… On n’accorde pas de trêve aux rebelles. » Encore fallait-il prendre l’avis du cardinal Ruffo, que l’on détestait à bord du Foudroyant, mais qui n’en fut pas moins reçu comme représentant du roi de Naples, avec une salve de treize coups de canon. Or, disons-le à l’honneur de ce prêtre sans honneur et sans principes, disons-le à la honte de Nelson, Ruffo ne voulut jamais consentir à la violation du traité signé avec les rebelles. Lady Hamilton l’en supplia vainement ; vainement l’amiral anglais déclara que cette capitulation était « une infamie » Ruffo tint bon et refusa de souscrire aux diverses propositions qui lui furent soumises, toutes ayant pour but d’obliger les républicains de Naples à se remettre sans conditions à la merci de Ferdinand IV. Nonobstant sa résistance, Nelson fit paraître une déclaration (25 juin 1799), par laquelle il faisait savoir aux rebelles qu’il ne leur permettrait point de s’embarquer ; après quoi parut une nouvelle proclamation du vainqueur d’Aboukir par laquelle il enjoignit à tous ceux qui avaient servi « l’infâme république napolitaine » de s’abandonner à la clémence royale. Ce fut par ses ordres que l’infortuné Francisco Caracciolo fut pendu à la vergue de misaine, sur la frégate la Minerva, pendant que lady Hamilton faisait plusieurs fois le tour du navire pour assister à l’agonie de l’infortuné vieillard. On sait le reste : les échafauds en permanence, les cachots regorgeant de prisonniers, le pillage et l’assassinat ; puis, à côté, la cour s’abandonnant sans remords à de honteux plaisirs, sous la protection de l’amiral anglais, plus jaloux de plaire à ses hôtes que d’écouter la voix de sa conscience. Quand sir William Hamilton fut rappelé à Londres par le Foreign Office, Nelson épousa vivement sa querelle et quitta Naples, avec lui et lady Emma, au mois de juin 1800. La reine Caroline, qui se rendait à Vienne, voyagea de compagnie avec eux, et partout où ils passèrent sur le territoire allemand, Nelson fut l’objet de ces manifestations populaires qui lui étaient si précieuses. En Angleterre, on lui fit une entrée triomphale ; à Londres, le peuple traîna sa voiture de Ludgate-Hill à Gruild-Hall. Au commencement de l’année suivante (1801), quand il fut question de lancer une flotte dans la mer du Nord pour y écraser les vaisseaux des quatre puissances coalisées et pour vider définitivement la grave question du droit des neutres, l’amirauté en donna le commandement à sir Hyde Parker, et Nelson fut placé sous ses ordres. Toutefois, malgré son titre le commandant en chef dut se contenter d’un rôle secondaire, car, dès le début, Nelson fit prévaloir son opinion relativement au plan de campagne. Le 2 avril, devant Copenhague, il détruisit l’escadre danoise, combinée avec l’escadre russe ; puis, cette campagne achevée, il fut rappelé en Angleterre pour y recevoir les ordres de l’amirauté. Il prit alors le commandement d’une flottille composée de frégates, bricks, corvettes et autres bâtiments légers, avec laquelle il alla reconnaître Boulogne et escarmoucher avec la flottille française. Après deux échecs successifs (6 et 15 août), il dut regagner les côtes d’Angleterre. Mais, à la rupture du traité d’Amiens, il prit le commandement de la flotte de la Méditerranée (mai 1803). Pendant plus de deux ans, il poursuivit l’ennemi, sur son ancien vaisseau la Victory ; enfin, fatigué de cette longue et inutile course, il était rentré à Plymouth, quand il apprit que Villeneuve et Gravina, débloquant le Ferrol avaient rallié les vaisseaux qui s’y trouvaient et s’étaient, depuis lors, enfermés dans la rade de Cadix. Il, repartit aussitôt et, le 21 octobre 1805, l’intrépide capitaine de mer payait de sa vie l’importante victoire de Trafalgar, remportée contre les flottes combinées de France et d’Espagne, Nelson portait ce jour-là, comme à son ordinaire, son vieux frac d’amiral, qui le désignait aux coups des tirailleurs dont ses adversaires avaient couvert leurs hunes. Lui-même n’en doutait pas, et ses officiers chargèrent le chirurgien du navire de parler au chapelain, afin qu’il adressât, de leur part, à l’amiral une requête qu’il savaient bien devoir lui déplaire. Ils voulaient le prier de changer son habit, ou de couvrir ses éclatants insignes ; mais il n’aurait certainement pas accédé à cette proposition. « Je les ai gagnés avec honneur, avait-il déjà répliqué à une première suggestion de ce genre, je mourrai avec honneur sans les avoir quittés. » L’un des premiers, il entre en ligne avec la Victory contre le Bucentaure, monté par l’amiral Villeneuve, puis contre le Redoutable, quand une balle partie de ce dernier vaisseau atteint mortellement l’amiral anglais à l’épaule, sans que, malgré les approches du trépas, il cessât de donner ses ordres pour le combat ; enfin l’ennemi est vaincu, Villeneuve fait prisonnier, et le vainqueur expire alors en rendant grâces à Dieu. C’en était fait désormais de la puissance maritime de la France. Nelson avait eu recours cette fois, comme à Aboukir, à la tactique adoptée sur terre par Napoléon : couper la ligne de l’ennemi en plusieurs endroits et battre ses vaisseaux en détail, avant qu’ils aient pu se concentrer. Le corps du héros fut ramené dans sa patrie, où on lui fit des funérailles publiques. Ainsi qu’il l’avait rêvé toute sa vie, Westminster lui ouvrit ses portes. On lui éleva un monument à Londres, et sa statue fut érigée dans plusieurs des principales cités. Cependant, le legs audacieux que Nelson avait fait de sa maîtresse au pays honoré par ses exploits fut justement répudié ; mais on accumula les témoignages de la reconnaissance nationale sur des personnes dignes d’un pareil honneur. Le titre de comte fut conféré au frère de l’illustre capitaine, et une pension perpétuelle de 6.000 livres sterling fut jointe à ce titre aristocratique. Chacune de ses sœurs reçut 250.000 francs, et la femme qu’il avait si cruellement outragée et délaissée obtint une rente viagère de 1.000 livres sterling. Quant à miss Horatia Nelson Thompson, dont la naissance a été l’objet de si vives controverses de la part des critiques anglais, l’opinion la plus probable est que lady Hamilton, trompant à là fois son mari et son amant, supposa pour l’un quelque aventure romanesque où elle jouait le rôle de confidente, pour l’autre un accouchement secret qui l’aurait rendu père, tandis qu’en réalité Horatia n’aurait été qu’un enfant trouvé, volé, acheté pour resserrer les liens qui rattachaient lord Nelson à lady Hamilton. Miss Horatia vécut, après la mort de celle-ci, chez différents membres de la famille Nelson ; et, dans la suite, elle contracta un mariage qui lui donnait dans le monde un rang honorable.

(Extrait du dictionnaire Larousse du dix-neuvième siècle)

Lien : Horatio Nelson sur wikipedia

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Un commentaire »

  1. charbit said,

    bonjour ,je suis en ma possesion d une super sihlouette peinte sur bois de lord nelson ,je voudrais bien la vendre!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!


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